La flambée des prix ayant atteint des niveaux inédits depuis 1982 aux États-Unis, la Réserve fédérale se prépare à utiliser ses armes traditionnelles contre l’inflation. Mais des économistes assurent que dans ce contexte pandémique, il faudrait se tourner vers d’autres solutions. Les États-Unis n’avaient plus connu une telle envolée des prix depuis 1982 et la période dite de la «Grande Inflation». Parmi eux, il y avait Jerome Powell, le patron de la Banque centrale des États-Unis , qui soutenait mordicus jusqu’à la fin 2021 que l’inflation n’était que transitoire, et qu’il fallait laisser à l’économie mondiale le temps de s’adapter à la nouvelle réalité post-pandémique.

Inflation : les prévisions se sont-elles toutes trompées ?

«La hausse des taux d’intérêt aux États-Unis dans les années 1970 avait permis de faire fortement baisser les prix, mais elle avait aussi entraîné une hausse du chômage à des niveaux record et avait provoqué la faillite du Mexique, très endetté», rappelle le Wall Street Journal. «Aujourd’hui, on n’a plus de théorie valable pour expliquer l’inflation», assure Duncan Weldon, un influent commentateur économique britannique, dans une note d’analyse publiée en octobre 2021. «Le fait que les prix n’ont pas augmenté alors que les taux d’intérêt étaient très bas pendant des années et qu’il y avait aussi peu de chômage aux États-Unis défie les théories classiques sur l’inflation», a résumé Adam Tooze, un économiste de l’université de Columbia sur son blog. L’un des plus éminents économistes de la Fed, Jeremy Rudd, a d’ailleurs provoqué une petite sensation dans les milieux économiques en publiant, en septembre 2021, une note dans laquelle il reconnaît que la Banque centrale américaine ne savait plus à quel saint se vouer pour prévoir l’inflation.

Contrôler les prix comme en temps de guerre

«C’est une idée complètement stupide», avait notamment réagi Paul Krugman, le très influent et progressiste prix Nobel d’économie 2008. Dans une tribune publiée le 28 décembre par The Guardian, elle plaidait pour un contrôle des prix comme après la Seconde Guerre mondiale. Malheureusement, l’offre ne suivait pas – usines à reconstruire après la guerre, chaîne d’approvisionnement en piteux état aujourd’hui – ce qui a engendré de l’inflation. Le gouvernement américain avait opté pour un contrôle des prix afin de limiter les hausses le temps que l’appareil productif se remette en ordre de marche.

Certains économistes ultra-libéraux comme l’Espagnol Daniel Lacalle ont jugé cette proposition digne «des politiques économiques désastreuses au Venezuela ou en Argentine». D’autres, à l’image de Paul Krugman, soutiennent que de telles mesures ne corrigent pas les causes fondamentales de l’inflation et ne sont que des pansements temporaires.

Contrôler l’inflation : haro sur les grands groupes

Pour certains économistes et historiens, il ne fait guère de doute que la politique tarifaire des Walmart, Amazon, et autres enseignes en situation de quasi-monopole expliquent en partie l’inflation. « Le mal provient de la trop grande concentration de pouvoir économique entre les mains de quelques grands groupes», a souligné Robert Reich, le ministre américain du Travail sous Bill Clinton. C’est aussi l’avis de Meg Jacobs, une spécialiste de l’histoire économique américaine, qui assure qu’il «faut démanteler les grands groupes si on veut combattre l’inflation», dans une tribune publiée par le New York Times.

Plus d’immigrés pour faire baisser les prix

S’il y en a si peu, c’est que les États-Unis font face à une pénurie historique de main d’œuvre dans certains secteurs mal payés comme le transport de marchandises. La Chambre de commerce veut donc que les États-Unis ouvrent en grand ces frontières pour attirer des immigrés qui feraient ce travail dont les Américains ne veulent plus.