Malgré ses déboires, la startup Blade, qui propose le PC dématérialisé Shadow et qui a déposé le bilan fin mars, va connaître une nouvelle vie. Guide entreprise vous dévoile les coulisses de cette renaissance.

L’offre de reprise de Blade Shadow formulée par Octave Klaba, le fondateur et CEO d’OVHCloud, a été choisie par le tribunal de commerce de Paris. Fin du suspense pour le Shadow, le PC dématérialisé dans le cloud de la startup française Blade. « La reprise de l’ensemble des équipes, l’apport de moyens financiers nouveaux et le partenariat sur le développement des infrastructures avec OVHCloud, vont doter Shadow d’une capacité de croissance à la fois durable et rentable, et d’une puissance d’innovation renouvelée au service de la qualité de l’expérience des clients gamers », a indiqué la société.

Les valeurs et la culture initiales conditionnées par l’hypercroissance

Pionnier du « cloud gaming », Blade a inventé le Shadow, un service sur abonnement d’ordinateur virtuel dans le « cloud ». Concrètement, le Shadow prend la forme d’un simple boîtier, que l’on branche à n’importe quel écran . Fondée en 2015 par les ingénieurs Emmanuel Freund, Stéphane Héliot et Asher Criou, la startup parisienne a levé au total une centaine de millions d’euros et a longtemps fait partie des principales potentielles licornes de la French Tech. Fin 2020, Blade Shadow revendiquait près de 97.000 utilisateurs pour un chiffre d’affaires consolidé de 17 millions d’euros, largement insuffisant pour financer ses énormes coûts.

« Le modèle économique de Blade était très complexe car les coûts d’infrastructures sont colossaux dans le cloud gaming, il faut sans cesse investir dans les datacenters alors que les concurrents montent en puissance avec des moyens beaucoup plus importants », raconte à La Tribune Emmanuel Freund, le cofondateur et premier CEO de la société. Selon l’entrepreneur, l’hypercroissance a été fatale à l’entreprise. « Les valeurs et la culture initiale se sont un peu perdues, nous avons laissés entrer dans la bergerie des investisseurs avec des valeurs et visions du marché différentes, il y a eu de nombreux désaccords stratégiques », confie-t-il. En 2019, Emmanuel Freund a fini par céder son poste de CEO car il était en désaccord avec les choix poussés par les nouveaux actionnaires de la société, notamment la décision, cruciale, de continuer à fabriquer ses propres serveurs informatiques -via un partenariat avec le partenaire historique 2CRSi-, plutôt que de passer par… OVH, comme le souhaitait l’entrepreneur.

En 2020, Emmanuel Freund a carrément quitté l’entreprise pour se consacrer à sa nouvelle startup, l’edtech PowerZ, qui utilise les codes des jeux vidéos au service de l’éducation. «  »L’ironie est que j’ai pris de la distance car les investisseurs ont refusé en 2019 ce qui finit par arriver en 2021, c’est-à-dire abandonner la construction de nos propres infrastructures pour passer par OVH. Le projet d’Octave Klaba, c’est celui que je voulais et c’est à mon avis une excellente chose pour l’entreprise.  » Dommage qu’il ait fallu passer par le tribunal de commerce pour cela ».

Un secteur porteur certes, mais à rentabilité difficilement atteignable

Le cloud gaming, « le domaine le plus exigeant de la tech » selon Octave Klaba, a selon les experts le potentiel de remplacer à terme les consoles de jeu, grâce au développement de centres informatiques géants et à l’accès du grand public au très haut débit. Ces trois géants sont aussi les trois leaders mondiaux des infrastructures cloud, ce qui les positionne idéalement car ils détiennent déjà les infrastructures nécessaires. Le plan d’Octave Klaba pour Blade Shadow prévoit la reprise des actifs pour 5 millions d’euros, et un refinancement d’une trentaine de millions d’euros. La nouvelle Blade Shadow n’aura plus à investir elle-même dans ses infrastructures, qui seront apportées par OVHCloud.

Celle-ci pourra les mutualiser plus facilement avec d’autres utilisateurs -notamment ceux de la future suite bureautique européenne que voudrait lancer Octave Klaba. « Les deux offres présentées », celles d’Octave Klaba et celle d’Iliad/Free « étaient très proches », a indiqué à l’AFP Me François Kopf, l’avocat qui représentait Jezby dans la procédure.