Depuis la reprise du pouvoir par les Talibans, ce cliché datant de 1972 est relayé sur les réseaux sociaux pour dénoncer la menace qui pèse sur les droits des femmes afghanes. Les femmes afghanes «pourront travailler, étudier et être activement impliquées dans la vie quotidienne». Telle est la promesse faite par le porte-parole des Talibans, Zabihullah Mujahid, lors d’une conférence de presse, mardi 17 août à Kaboul, après la prise de la capitale. Guide entreprise fait le point.

Un cliché où figurent trois jeunes afghanes portant des mini-jupes et marchant dans une rue de Kaboul en 1972. Le cliché a bien été pris en 1972 en Afghanistan. La légende confirme qu’on y voit de «jeunes étudiantes portant des mini-jupes marchant dans la rue» à Kaboul, plus précisément «dans le quartier de Chahr-e-Nao», la «ville nouvelle», qui concentre les supermarchés, hôtels et banques, au nord du centre-ville historique.

Une minorité de femmes occidentalisées

Cette image a été prise par la photographe suisse Laurence Brun, dans le cadre d’un reportage sur «les conditions de vie des femmes afghanes dans les années 1970», intitulé «Femmes afghanes entre tradition et modernité», précise Calames, le catalogue en ligne des archives et manuscrits de l’enseignement supérieur, sur lequel la série de quarante images est consultable. Ce cliché de trois Afghanes en mini-jupes à Kaboul n’est en rien représentatif de la situation des femmes afghanes dans les années 1970, commente Alex Shams, doctorant en anthropologie socioculturelle à l’université de Chicago et auteur d’un essai sur cette photographie . «Le style vestimentaire adopté par ces jeunes femmes se limitait aux rues aisées de Kaboul et aux personnes qui avaient accès à l’éducation et à des perspectives. » .

En 1972, une société encore très rurale

«Mais il y avait aussi beaucoup de femmes dans les années 1960 et 1970 – même dans les zones urbaines – dont la vie était plutôt régie par le purdah, et qui ne sortaient pas pour étudier, ne sortaient pas pour travailler.» Le purdah est une pratique islamique qui empêche les hommes de voir les femmes et oblige ces dernières à couvrir leur corps afin de cacher leurs formes. Utiliser cette photographie à des fins de comparaison, c’est donc faire fausse route, selon Alex Shams. Au sein du régime monarchique afghan disparu en 1973, «la grande majorité des femmes n’avaient pas accès aux études ou à un emploi à l’extérieur de chez elles», note le doctorant en anthropologie socioculturelle.

Un cliché utilisé par un conseiller de Trump

A contrario, et d’autant plus depuis la chute des talibans en 2001, «de nombreuses femmes se sont battues pour leurs droits dans de nombreuses franges de la société, sont allées à l’université et ont trouvé un emploi». En 2009, 24,8% des étudiants d’universités afghanes étaient ainsi des étudiantes, rapporte la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes . En 2019, 21,8% des Afghanes de plus de 15 ans possédaient par ailleurs un emploi, contre 15% en 2001 lors de la chute des talibans, selon l’Organisation internationale du travail*. «Cela fait croire que les droits des femmes ont été acquis grâce à l’Occident, ce que symboliserait le port de ces mini-jupes, analyse l’universitaire.

Or cela gomme le fait que les femmes afghanes elles-mêmes ont combattu pour leurs propres droits et pour changer la société».